14/03/2017

Dépasser la fission nucléaire

Christophe Mazurier

Cela fera bientôt six ans que la centrale nucléaire de Fukushima Daichii, submergée par un tsunami, a été à l’origine de la plus grave catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl. Et il faudra sans doute plus de trente ans pour qu’elle puisse être démantelée, après que le corium, le matériau en fusion qui s’est échappé de la cuve en acier du réacteur, aura été récupéré. Ce sont plusieurs générations qu’il faudra laisser passer pour que la région environnante redevienne habitable et que tous les déchets radioactifs soient traités. En France, où les centrales nucléaires fonctionnent sur le même schéma que celles du Japon, les incidents se multiplient. Bien qu’EDF minimise leur ampleur, il est temps de prendre des mesures pour dépasser une énergie qui nous a permis de vivre en toute autonomie pendant un demi-siècle mais qui ne peut être celle du futur. Ces derniers temps, des incidents ont eu lieu dans les centrales nucléaires de Flamanville, de Golfech et de Cattenom. Selon EDF, ce sont chaque fois des incidents sans gravité. Mais quand il s’agit de nucléaire, il n’y a pas d’incident sans gravité. Nous savons que la catastrophe de Fukushima est due à la panne électrique des générateurs servant à refroidir les réacteurs nucléaires. Un réacteur qui ne peut plus être refroidi entre en fusion et devient hors de contrôle. Or, des documents internes à EDF prouvent que de nombreux problèmes techniques affectent les groupes électrogènes censés prendre le relais en cas de panne électrique. Il y a trop de défaillances dans la sécurité et une remise en état complète de notre parc nucléaire coûterait trop cher pour que nous continuions à vouloir produire notre électricité selon un schéma qui a longtemps fonctionné mais qui doit être dépassé.


D’un autre côté, une sortie précipitée et complète du nucléaire paraît impossible. L’Allemagne a décidé de sortir du nucléaire après la catastrophe de Fukushima. Elle a remis en route ses vieilles centrales à charbon. Si le risque cataclysmique est moindre en cas d’accident dans une centrale à charbon que dans une centrale nucléaire, en temps normal, cette dernière pollue beaucoup moins. Et jusqu’à présent la France n’a à déplorer aucun accident nucléaire. Le dilemme cornélien pourrait être résolu de la manière suivante. Il faut d’abord que l’Etat français et que l’Union Européenne favorisent le développement des « énergies vertes » ou alternatives. Nous voyons ainsi fleurir toutes sortes d’idées comme celle de paver nos autoroutes de panneaux photovoltaïques qui suffiraient à alimenter le pays en électricité. Mais cette belle initiative cherche encore son modèle économique et sa rentabilité, en plus d’avoir à prouver sa faisabilité. Il faut ensuite favoriser la recherche dans le domaine de la fusion nucléaire. Un projet unique au monde a été mis en place en France, au CEA de Cadarache, au confluent du Verdon et de la Durance, dans les Bouches-du-Rhône. Ce projet international, qui réunit des ingénieurs et des chercheurs de 35 pays, dont ceux de l’Union Européenne, de la Chine, du Japon, de la Corée du Sud, de la Russie et des Etats-Unis, cherche à démontrer qu’en maîtrisant la fusion nucléaire, nous pourrons alimenter la terre entière avec une énergie plus propre et beaucoup moins coûteuse. Le principe de cette technique est de reproduire le phénomène physique du soleil. Le projet ITER n’est pas le seul à mener ce genre de recherche. D’autres centres y travaillent à travers le monde. Cette énergie ne sera probablement pas exploitable avant 2050. D’ici là, EDF compte sur ses EPR dits de troisième génération pour remplacer les plus vieux réacteurs. Mais la mise en service de ces nouveaux EPR est sans cesse retardée par des problèmes techniques. N’est-il pas urgent que l’Etat français favorise réellement la recherche d’énergies alternatives ?